Intervention à la tribune de l’Assemblée

Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement,
Chers collègues,

Il y a 19 jours, quand les premiers gilets jaunes sont apparus au bord des routes de nos villages et de nos villes, qui aurait pu prédire que ce mouvement allait prendre en si peu de temps le visage d’une véritable insurrection fiscale contre le gouvernement ?

L’augmentation insensée des taxes sur les carburants que les Républicains ont été les premiers à dénoncer, dès le mois d’octobre, ont révolté les Français, tous ceux qui n’ont pas d’autre choix que de prendre leur voiture pour se déplacer dans des territoires dépourvus de transports collectifs, et à qui on a expliqué doctement que c’était pour une noble cause : préserver l’environnement. Ils ne sont pas dupes ces Français, qui ont bien vu qu’une toute petite part de l’effort démesuré qu’on leur infligeait allait véritablement à l’écologie.

Vous aurez par-là réussi un tour de force : en amputant leur pouvoir d’achat au nom de l’écologie, vous les avez dressés contre l’écologie elle-même.

En 2022, ce sont près de 15 milliards qui auront été prélevés sur le pouvoir d’achat des Français. Comment peuvent-ils accepter cela ?

Certes, le Président de la République a confié il y a quelque temps à un journal qu’il ne s’était pas engagé sur le pouvoir d’achat. Je le cite « je suis bien sûr sensible à la problématique du pouvoir d’achat. Mais moi, je ne me suis pas engagé là-dessus. Je me suis engagé sur le travail, sur le mérite. Mon rôle est de rappeler ce cap. La politique que je mène, elle ne peut pas seulement être conduite pour la fin du mois » Ces propos prennent un incroyable relief à la lumière des événements que nous vivons. Les personnes qui travaillent, ou ont travaillé, ont-ils à ce point démérité aux yeux du président de la République pour être ainsi privés du fruit de leur travail ?

Face à leur colère, ignorée depuis le début jusqu’aux événements dramatiques des émeutes de samedi dernier, vous faites un demi choix, un en « même temps » qui emporte un grand risque. Suspendre ces taxes 6 mois! Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que vous allez les appliquer à nouveau. Croyez-vous vraiment que nous allons vers l’apaisement auquel chacun aspire tant le niveau de tension est élevé?

En fait vous n’avez pas arbitré. Vous ne renoncez pas à ces taxes dont la suppression est seule à même de ramener le calme dans notre pays.

Toutes les interventions ministérielles de ces derniers jours martelaient le même message: « ce cap est bon et nous le maintenons », nous dit le gouvernement. Voilà donc la raison du choix de ce moratoire. Vous ne voulez pas reconnaître ce qui apparaît un peu plus chaque jour comme une erreur, le fruit d’une déconnexion avec ce que vivent les Français. Mais cette mesure dilatoire laisse le problème entier. Là où vous voyez le risque de vous déjuger, les Français y voient plus que de l’entêtement, ils y voient de l’aveuglement.

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai reçu des gilets jaunes. J’ai vu des citoyens, retraités modestes déjà affaiblis par la hausse de la CSG, des fonctionnaires, des artisans, des salariés, qui m’ont exposé calmement leurs difficultés et les conséquences de vos décisions sur leur pouvoir d’achat, sur le reste à vivre. Ils n’ont rien à voir avec les casseurs dont on a vu les agissements honteux, qui ont sidéré les Français et révolté tous ceux qui aiment leur pays et veulent sa réussite.

La fiscalité écologique emporte aussi de grands désordres économiques. Combien de commerçants, d’entreprises agro-alimentaires, d’acteurs de l’industrie touristique, du transport, du bâtiment et des travaux publics… crient au secours, tant les conséquences économiques de la hausse des taxes, et du climat de révolte qui en résulte, voient leur activité impactée. C’est à chaque fois l’emploi, donc le pouvoir d’achat des Français, qui est touché. Ils vous supplient de mettre bon ordre à tout cela. Vous avez le devoir de prendre les bonnes mesures pour ramener le calme dont notre économie a tant besoin. Le moratoire n’est pas la solution.

Ce n’est pas la première fois d’ailleurs que l’économie, donc l’emploi, donc le pouvoir d’achat, et l’écologie s’affrontent.

Laissez-moi vous rapporter un exemple sidérant qui montre parfois à quelles folles extrémités peut aboutir une décision inconséquente en matière d’écologie. Dans l’examen de la loi Egalim, un amendement d’un député de votre majorité, interdisant dès le 1 Er janvier 2020 tout contenant alimentaire en plastic sans considération des conséquences, met en danger des milliers d’emplois. Je pense en particulier à une entreprise de mon département, une superbe ETI dont la France manque tant, familiale, exemplaire en matière de recyclage, en plein investissement qui risque d’être fauchée en plein essor. Cet amendement, dont l’auteur ne pensait pas qu’il serait adopté, va coûter 1000 emplois à cette seule entreprise. L’écologie oui, le fanatisme écologique non. Cette entreprise appelle au secours. Pas un ministre disponible pour recevoir son dirigeant. Quelle honte !

C’est bien au nom de la transition écologique, mais mal pensée, mal financée, que nous nous trouvons dans cette situation. Bientôt cette crise aura coûté plus cher à la France que les taxes ne rapporteront. Voyez l’absurdité de la situation !

Les Républicains, animés par l’esprit de responsabilité, ne souhaitent ni instrumentaliser ce mouvement, ni souffler sur les braises. Ils vous proposent les voies d’une sortie de crise en renonçant définitivement à cette augmentation des taxes sur les carburants.

Depuis des années, même les écologistes conviennent que c’est une erreur de traiter l’écologie par la taxe. C’est l’écologie punitive. Elle est même devenue spoliatrice!

Tout cela intervient dans un contexte fiscal extrêmement défavorable:  les Français n’ont jamais été aussi taxés et sont les plus taxés d’Europe. Les records sont tristement historiques. Le mouvement des gilets jaunes est l’exacerbation des tensions et la preuve ultime du ras le bol fiscal des Français. Chacun le sait, les salaires en France sont trop faibles parce que le coût de la dépense publique est trop élevé. Dans la Suisse voisine de ma circonscription, un salarié payé deux fois plus ne coûte pas plus cher à l’employeur.

D’après les chiffres de la Banque mondiale, la France détient aussi le record européen de taxation des entreprises: le taux moyen de taxation est de 60% du chiffre d’affaires.

Résultat, la croissance française décroche à cause des hausses d’impôts et de taxes. La France aura l’une des trois plus faibles croissances d’Europe en 2018, 2019, 2020 selon les dernières prévisions de la Commission européenne.

C’est pourquoi les Républicains vous proposent- ils un Grenelle des impôts et des taxes. Car il faut sortir de cet engrenage qui veut que chaque politique publique soit nécessairement accompagnée d’une taxe ou d’un impôt. Le système qu’ont subi silencieusement les Français est arrivé au bout. Ces augmentations excessivement déraisonnables ont plongé les Français dans une colère noire car elles sont injustes et les piègent dans leur quotidien.

Pour sortir de ce cycle infernal, Il n’y a qu’une solution : réduire la dépense publique, faute de quoi le Moloch fiscal ne sera jamais rassasié.

Taxer, imposer, c’est céder à la facilité. C’est exactement ce que votre budget démontre. Pour le boucler et puisque la dépense publique continue de grossir, il fallait puiser une fois encore dans la poche des Français. Les propos blessants du président de la République, son absence d’empathie à l’égard des Français, son ignorance des corps intermédiaires, son absence de relais locaux, qui sont autant de facteurs de médiation, l’exposent aujourd’hui à la vindicte populaire. Je suis frappée de voir à quel point, en quelques jours, le ton a changé. La colère s’exaspère de façon très préoccupante.

Les Français, comme le président bravache le leur a dit, « viennent le chercher » lui et personne d’autre. Son silence même est devenu à leurs yeux une insulte.

La révolte s’étend à tous ceux que vos choix exposent. Elle a ouvert la porte aux mécontentements accumulés que suscite votre politique. Ce serait une erreur de n’y voir que des revendications dictées par le seul intérêt catégoriel. Pour beaucoup, c’est tout simplement l’aspiration légitime à vivre convenablement de son travail.

J’ai observé et écouté les réactions des gilets jaunes ce matin. La colère redouble et se propage. Le consentement à l’impôt s’effrite. Et nous pouvons tous en redouter les conséquences ravageuses de ce qui ressemble de plus en plus à une fracturation de notre pays.

Que se passera t’il samedi si les casseurs et les voyous se mêlent à nouveau aux manifestants? C’est pourquoi les Républicains préconisent le retour à l’état d’urgence qui grâce aux outils que sont l’assignation à résidence et la perquisition administrative, permettrait de traiter les individus les plus dangereux, casseurs et black block, dont on ne cesse de nous dire qu’ils sont connus des services de police. Oui aux manifestations, non aux émeutes.

Ne traitez pas nos propositions comme l’expression d’une surenchère. Écoutez-les. Ne croyez pas que cette situation, très difficile pour la majorité, réjouisse politiquement les Républicains. Elle nous inquiète mais c’est vous qui êtes en responsabilité. Il vous appartient de trouver les voies de sortie de cette crise.