Les Échos : Annie Genevard : « La violence à l’école est un angle mort du discours de Blanquer »

. Le nouveau bac est présenté ce mercredi en conseil des ministres

. Annie Genevard, Secrétaire générale des Républicains, juge Blanquer « habile » tout en soulignant des points de vigilance

Les Echos : Quatre épreuves, du contrôle continu : la réforme du Bac va-t-elle dans le bon sens ?

Annie Genevard : C’était sensiblement le programme que nous défendions lors de l’élection présidentielle : un bac recentré sur des épreuves fondamentales. Mais cela ne suffit pas. Nous veillerons à ce que l’année de terminale soit la plus complète et efficace possible car Parcoursup contraint à faire des choix très tôt. Et nous veillerons, surtout, à ce que le bac retrouve toute sa valeur et qu’il permette de diminuer l’échec universitaire. Tout cela se jugera à l’épreuve des faits.

Par étapes successives, l’exécutif change-t-il en profondeur, selon vous, le système scolaire ?

Je crois qu’il en a l’ambition et certaines mesures vont dans le bon sens. Jean-Michel Blanquer bénéficie de circonstances favorables. D’abord d’un effet de contrastes avec ses prédécesseurs : lui sait de quoi il parle. Ensuite, l’opinion publique est prête pour ces réformes. La droite, en assumant son rôle d’opposition et en faisant des propositions, a puissamment contribué à cette maturation en faisant émerger  des sujets importants comme la transmission des savoirs fondamentaux, l’évaluation du système scolaire ou  la formation des enseignants. Jean-Michel Blanquer bénéficie de ce travail préalable et cueille un fruit mûr. Mais il y a beaucoup de choses à surveiller dans la mise en oeuvre.

Vous parlez de Jean-Michel Blanquer comme d’un bon ministre…

L’homme est habile, il a une sensibilité proche de la nôtre, il avait travaillé sur le programme d’Alain Juppé.  Nous n’allons pas rejeter ce que nous préconisions depuis des années. Cela ne fait pas pour autant de lui un intouchable.

Quelle note mettriez-vous à ses débuts ? 

Je m’y refuse car il n’est ni un élève, ni un apprenti sorcier. La seule appréciation que je m’autoriserais serait « ne pas être trop sûr de soi » parce que sa tâche est immense. Mais il lui faut écouter l’opposition. Il y a matière à débattre, à alerter. Il y a des points de vigilance et quelques désaccords profonds.

Lesquels ?

D’abord la question du traitement équitable des territoires. Ce n’est pas une question démagogique, contrairement à ce que dit Jean-Michel Blanquer. Le dédoublement des classes dans les zones défavorisées ne peut pas se faire au détriment d’autres territoires, notamment ruraux. Avec Laurent Wauquiez et Christian Jacob, nous ne laisserons pas faire. Le deuxième point de vigilance est celui de la violence en milieu scolaire. Quand un groupe d’enseignants affirme que la République les « abandonne » (1), c’est un signal d’alerte fort. Or, la réponse de Jean-Michel Blanquer est trop courte. La question de la violence est un angle mort, un point aveugle de son discours. Certains établissements sont en état d’urgence.

Concrètement, quels enseignements faut-il en tirer ?

Il y a une dégradation continue de l’autorité de l’enseignant. Il faut à nouveau protéger l’école de la violence de la société, en mettant en place tous les outils nécessaires. La vidéo-protection est mise en place pour protéger les commerces,  les rues, pourquoi ne la mettrions-nous pas en place pour protéger les établissements scolaires ? Cela suppose aussi, dans certains établissements, un plan d’urgence à la hauteur. Il faut faire entrer des personnels dédiés à la protection pour éloigner les fauteurs de trouble. Et les sortir du lieu où ils sont nocifs. L’éloignement des élèves peut donc être éducatif ou, même, pénal. Cela peut aussi conduire à la reconnaissance de la défaillance éducative des parents, en cas de défaut avéré d’éducation. Les allocations familiales sont là pour aider les parents dans leur mission éducative. Si les parents sont défaillants, la question de l’allocation de ces moyens doit se poser.

Quels sont vos autres « points de vigilance » ?

Il faut évaluer la transmission des savoirs fondamentaux et faire en sorte que chaque élève-professeur se voit certifié dans les méthodes d’apprentissage. Aujourd’hui, en primaire, une opération peut être enseignée de quatre manières différentes ! Pour un élève fragile, ce n’est pas possible. Il faut réformer la formation des enseignants, et notamment la manière dont on enseigne les savoirs fondamentaux. La liberté pédagogique doit être subordonnée à l’efficacité pédagogique. Il faut aller jusqu’à la préconisation des méthodes.

Sur le projet de loi étudiants, critiquer l’exécutif tout en approuvant la sélection n’est-il contradictoire ?

Comme souvent, Emmanuel Macron ne fait qu’un petit bout du chemin. On nous annonçait une grande loi et ce n’est qu’une toute petite loi, avec la fin du tirage au sort et une vague remise à niveau en première année dont rien n’indique qu’elle sera évaluée. Tout ce qui peut s’apparenter de près ou de loin à une sélection est soigneusement émoussé dans le texte. Cette loi me laisse circonspecte et elle va être terriblement difficile à mettre en œuvre pour les universités.

(1) Allusion au lycée Gallieni de Toulouse qui a fait l’objet d’une enquête de « L’Express » et d’un rapport de l’Inspection générale de l’Education nationale.

 

Interview publiée dans les Échos